Un groupe Facebook peut-il remplacer l'UNEC ?

Le 21/09/2016 à 10h46 - Expert Zone

C'est un changement drastique dans la manière de communiquer des coiffeurs qui est en train de se produire, avec le web comme support. En effet, une vraie petite révolution est en train de s'organiser, et de grignoter petit à petit des parts de marché au syndicat traditionnel des coiffeurs, l'UNEC. Retour sur une évolution de la communication chez les coiffeurs qui pourrait bien laisser des traces... 
L'UNEC, un organisme "à la papa" ? 
La remontée d'information des coiffeurs sur le terrain se faisait de manière extrêmement verticale jusqu'à peu. En effet, un coiffeur, pour pouvoir faire part de ses problématiques, ses question, obtenir du soutien... se devait d'adhérer à l'UNEC, qui propose ce type d'accompagnement pour les coiffeurs. Une adhésion payante, pour un  système très (trop) vertical ? L'ADN de l'organisation, à savoir sa structure rend obligatoire ce système de communication de l'information : les coiffeurs remontent l'information à leur représentant régional, qui lui-même remonte l'information au grand patron, aka. Bernard Stalter. Bernard Stalter quant à lui fait office de tampon entre le gouvernement, les marques, les franchiseurs... bref, tous les acteurs du marché, afin de faire remonter les réclamations des coiffeurs sur le terrain. 
Une organisation rigide, et qui au final de par sa conception réduit le bruit, et aseptise le message des coiffeurs sur le terrain. Mais une organisation essentielle... En effet, les politiques / marques, etc... ne peuvent se permettre d'écouter chaque coiffeur sur le terrain, le message doit être résumé et transmis par un seul et unique porte-parole. Un rôle d'ailleurs dans lequel Bernard Stalter excelle, nous l'avons vu sur de nombreux fronts auprès des politiques, notamment autour de la question de la suppression du BP soulevée par Emmanuel Macron (qui n'a pas hésité une fois parti du gouvernement à faire sa com' sur le dos des coiffeurs...). 
Les réseaux sociaux, l'outil qui vient "tacler" l'UNEC dans sa fondation !
Vous n'avez pas pu passer à côté ces derniers temps, l'UNEC est un organisme qui est mis à mal par les coiffeurs. Et la raison est le changement de perception des coiffeurs. En effet, depuis quelques années, les coiffeurs ont revu leur manière de travailler et de communiquer. Ainsi, aujourd'hui, on privilégie les produits indépendants, en distribution exclusive au détriment des grandes marques accusées de faire la promotion de leur marque dans les salons tout en faisant leur chiffre d'affaire en grande surface avec des produits aux noms similaires. Aujourd'hui, on privilégie de salon indépendant avec une image bien travaillée, au concept "lissé" de la franchise. Et aujourd'hui, on échange tous ensemble sur les réseaux sociaux, finie la remontée d'information auprès d'un interlocuteur unique. Chaque coiffeur veut avoir son mot à dire dans l'évolution de son marché et de son métier !
Et si les marques commencent à comprendre ce changement fondamental de consommation de la part des coiffeurs en adaptant leur stratégie (lancement de nouvelles marques plus confidentielles, rachat de marques indépendantes et exclusives...), l'UNEC n'a pas, pour le moment, su adapter sa manière de fonctionner, laissant ainsi la place libre aux initiatives isolées pour fédérer les coiffeurs. 
Un exemple flagrant a été le (défunt) mouvement "Coiffure en danger", qui a été le premier à défier la sacro-sainteté de l'UNEC. Malheureusement, un discours trop éparpillé (d'abord la lutte contre la vente de produits professionnels, puis la lutte contre le RSI), couplé avec des objectifs trop ambitieux (arrêter la vente de produits professionnels aux particuliers, et la réforme du RSI) ont eu raison du mouvement, qui s'est essoufflé pour finalement s'éteindre
Mais certains ont su voir le potentiel de ces intiatives isolées pour la valorisation du métier. C'est ainsi que né le groupe "Le club des coiffeurs sur Facebook" créé par Edouard Ruiz-Lahaye (un ancien de coiffure en danger), et qui regroupe aujourd'hui près de 6500 membres, avec une sélection très stricte à l'entrée (acceptation manuelle par Edouard). Depuis des mois, nous assistons en tant que spectateurs à des discussions enflammées entre les membres, tous coiffeurs, et nous avons pu assister à la naissance d'un formidable outil de communication et d'entraide entre coiffeurs : questions techniques, questions légales, sujets légers... Le groupe, animé par une communauté d'experts (Edouard Ruiz (coiffeur), Mouns Dridi (ex-coiffeur, distributeur de produits) et Christophe Creux (conseiller en obligations sociales)) incite chaque coiffeur à prendre la parole, et à partager sur son métier et l'évolution de celui-ci. 
Un mode de communication à l'extrême opposée de l'UNEC. La ou l'UNEC propose un système vertical, Le club des coiffeurs sur Facebook propose au contraire un système de communication horizontal ou chaque coiffeur dispose d'une légitimité identique dans le groupe. Pas de hiérarchie, et c'est justement cela qui fait le succès du groupe, et la qualité des échanges. Des échanges très riches, avec des réponses professionnelles d'une réelle utilité... ou pas ! En effet, la simple volonté de partager entre confrères est un réel besoin de la part des coiffeurs, qui paradoxalement, malgré l'augmentation drastique des professionnels ces 15 dernières années, se sentent plus que jamais isolés... 
Un groupe Facebook peut-il remplacer l'UNEC ? 
Tout naturellement, une question se pose : un groupe Facebook est-il en mesure de remplacer une organisation syndicale établie comme l'est l'UNEC ? Et si la réponse n'est pas encore complètement définitive, force est de constater que le groupe s'organise dans cette optique... 
En effet, les coiffeurs sont de plus en plus méfiants avec l'UNEC : guerre de pouvoir entre le CNEC (Provost) et Fédération Nationale de la Coiffure (à l'époque Martin) pour la création d'un syndicat unique : l'UNEC... une embellie qui n'aura duré que quelques maigres mois avant le divorce (sic...)... Cotisations jugées trop importantes pour le service apporté, verticalité mise en cause, connivences avec les politiques (en particulier Macron reçu en grande pompe lors du Mondial par Bernard Stalter alors que quelques mois plus tôt il tirait à boulets rouges sur la qualification des coiffeurs)... Autant d'éléments qui font que l'UNEC est aujourd'hui désavouée par les coiffeurs, et que l'organisme lutte pour trouver une légitimité parmi ses adhérents. 
Et en parallèle, Le club des coiffeurs sur Facebook a annoncé ce week-end la création de représentants par région, afin de faciliter les rencontres dans la vraie vie (suite à la soirée post-Mondial organisée par le Club qui, semble-t-il, a connu un réel succès...). Le Club se dote donc de représentants régionaux afin de faire le relai des informations d'un point de vue local. Si l'initiative des rencontres au niveau local est plus que louable, l'organigramme n'est pas sans nous rappeler... l'organisation de l'UNEC... 
Le Club des coiffeurs sur Facebook va-t-il donc perdre tout ce qui a fait son succès, à savoir l'horizontalité de la communication ? Pas dit... Les Clubs locaux ont pour but de favoriser les rencontres dans la vraie vie, mais pas de se substituer au Club "national". Pas de question pour le moment donc de casser cette horizontalité, et la nouvelle semble plutôt extrêmement bien accueillie par les membres, qui rapidement ont rejoint les clubs locaux. Reste donc à voir quelle sera la capacité des coiffeurs engagés dans les clubs locaux à fédérer et à favoriser les rencontres... Et surtout la capacité du groupe à attirer l'attention des instances sur la condition des coiffeurs. Si le groupe n'a plus rien à prouver pour ce qui est de la fédération des coiffeurs, le dialogue avec les politiques, jusqu'à présent chasse gardée de l'UNEC (un exercice dans lequel, il faut bien le reconnaître, Bernard Stalter excelle...), n'est pas encore acquis par le groupe... 
En attendant, il faut bien le dire, nous vivons un tournant dans le monde de la coiffure. La facilitation de la communication entre professionnels grâce à des outils fantastiques que sont les réseaux sociaux est sur le point de changer durablement le paysage de la coiffure. Les instances de ce que je nomme "l'ancienne économie" ne se sont pas encore rendu compte du tsunami qui les attend, et il ne fait nul doute que cette initiative du Club des coiffeurs sur Facebook va marquer durablement le paysage, et pourrait bien bousculer les acteurs établis du secteur. Un mouvement passionnant, que nous suivons de proche (et ce malgré les nombreux reproches qui peuvent nous être faits à ce sujet... :-) ).