Conversations avec mon coiffeur par Xavier Fontanet

Le 04/02/2016 à 16h17 - Expert Zone

"Si on avait plus de coiffeurs au gouvernement, la France se porterait probablement beaucoup mieux !". C'est ainsi que l'on pourrait résumer cet excellent essai publié par le chef d'entreprise et professeur en stratégie de renom Xavier Fontanet. En effet, celui-ci vient de publier dans Les Echos une super chronique sur une conversation que celui-ci a eue avec son coiffeur, un dénommé Sam. Sans savoir pour autant si cette conversation s'est réellement tenue ou non, force est de constater que le chef d'entreprise vise juste, et appuie là où ça fait mal, en argumentant le tout avec des citations particulièrement bien senties et cinglantes...
Nous vous invitons à découvrir cet essai sans plus attendre, un must read !
Conversation avec Sam, mon coiffeur. Il est préoccupé et entame en disant : « Il paraît qu'en Allemagne on touche le chômage moins longtemps qu'ici. » J'explique que c'était une des mesures phares de Gerhard Schröder en 2004 : les finances publiques étant en déficit à cause des investissements à l'Est, il avait demandé à ses compatriotes d'économiser l'argent de l'Etat. Pour les chômeurs indemnisés, cela voulait dire prendre les jobs qui s'offraient à eux, même s'ils étaient inférieurs à ceux qu'ils avaient auparavant : un emploi, c'est plus qu'un salaire, c'est la chance de rester en société. Il avait recommandé, alors même que le chômage était élevé, qu'on réduise les durées d'indemnisation.
« La personne qui vous précédait sur ce siège, me dit Sam, possède un cabinet d'avocats. Son assistante a dû le quitter, il appelle l'agence pour l'emploi et voit trois candidates. Il s'agit de répondre au téléphone, d'accueillir les clients et de classer les papiers. Les candidates touchaient 1.350 euros plus quelques avantages. Se voyant proposer 1.750 euros, toutes ont répondu : "Tout compte fait, je préfère rester au chômage." Il faudrait que l'avocat donne 2.000 euros, avec les charges, c'est trop ! On a détruit la valeur travail et on laisse croire qu'on peut vivre avec l'argent de l'Etat. »
Je réponds à Sam que ce n'est pas l'Etat qui finance, mais la dette plus une hyperfiscalité sur les hauts revenus et le capital.
« Vous ne croyez pas si bien dire, répond-il. Encore deux clients cette semaine m'ont dit : "Sam, vous me coiffez pour la dernière fois, j'en ai marre de payer tant d'impôts, je pars." »
Je me rappelle les derniers propos qu'avait tenus Lee Kuan Yu, Premier ministre de Singapour, lors d'un dîner avec des chefs d'entreprise européens : « Votre modèle social ne tiendra pas à cause de la concurrence asiatique ; l'Etat providence a quelque chose de pernicieux : il démotive ceux qui travaillent et encourage un assistanat de masse. »
Au fond, si on avait plus de coiffeurs au gouvernement, la France se porterait probablement beaucoup mieux !